Presque neuf siècles
d’inspiration brassicole
Au cœur de la forêt ardennaise, à l’écart des chemins trop fréquentés, l’Abbaye de Signy fut fondée en 1135 par des moines cisterciens venus bâtir, prier… et produire. Fidèles à la règle de saint Benoît, ces hommes vivaient selon un principe simple et exigeant : ora et labora — « prie et travaille ». Pour vivre en autarcie, ils cultivaient la terre, élevaient des animaux, extrayaient du fer, exploitaient la forêt… et brassaient leur propre bière.
La bière, dans la tradition monastique, n’était pas un luxe mais un aliment essentiel : nutritive, désaltérante, et plus saine que l’eau souvent insalubre des sources. Les moines de Signy maîtrisaient l’art du brassage, avec des recettes adaptées à leur rythme de vie : une bière simple pour le travail des champs, une double pour la table, une triple pour les fêtes et les hôtes de passage. Distribuée sur les marchés voisins ou vendue en Flandre grâce à leur liberté de navigation sur la Meuse, leur production participait activement à l’économie locale.
Pendant plus de six siècles, l’abbaye rayonna ainsi spirituellement, culturellement et économiquement sur toute la région. Mais la Révolution française mit brutalement fin à cet équilibre : en 1793, l’abbaye fut vendue comme bien national, et en grande partie démantelée. De cette destruction ne subsistent aujourd’hui que quelques bâtiments secondaires, la grande croix des convers, et surtout une mémoire, encore vive.